mardi 13 avril 2010

Deuxième moment du Tea Party : les « Tax Day Tea Party Protests » 15 avril 2009:

The New York Times: un traitement minimal de l'événement

Durant le mois d’avril, nous avons pu décompter un certain nombre d’articles publiés dans le New York Times ayant pour sujet le mouvement Tea Party. Le 7 avril, est publié dans la rubrique « Opinion », une tribune de Lawrence Downes, qui revient sur un rassemblement de 300 « anti-taxe » à Northport dans l’état de New York. Le 11 avril, trois lettres de lecteurs, rédigée le 7 avril, réagissent à l’article de Lawrence Downes. Le 12 avril, Paul Krugman, prix Nobel d’économie 2008 et éditorialiste, prend la plume et se fend d’une analyse du phénomène Tea Party et des conséquences que ce dernier engendre dans la politique américaine.

Le 16 avril, le Tea Party entre pour la première fois dans les colonnes de la rubrique politique du New York Times. Un article de Liz Robbins revient sur les différentes manifestations qui ont émaillé la date limite de remise des déclarations d’impôts. Près de 750 manifestations étaient organisées dans les villes principales des Etats-Unis. Elle revient sur les motivations des protestataires, l’origine du mouvement ainsi que ses éventuelles racines républicaines. Elle insiste, notamment, sur les liens financiers qui lieraient le parti conservateur et ce mouvement citoyen qui se voudrait pourtant non-partisan. La journaliste met en évidence le soutien des différentes chaînes câblées pour l’organisation des rassemblements et pour donner de l’écho au mouvement naissant. Elle revient sur les motivations de chacun : moins d’impôts, peur du socialisme, crainte de voir les droits des Etats restreints. Certains texans demandaient même la sécession !

The Washington Post: Une légère publicité mais un traitement équilibré

Le 15 avril, Michael E Ruane publie dans la rubrique « Metro » un article sur le futur rassemblement du Tea Party au Square Lafayette. Il raconte comment les organisateurs projettent d’amonceler de sachets de thé en signe de protestation. Une autre manifestation est également prévue devant le Trésor américain. Les manifestants se réunissent pour montrer leur mécontentement vis-à-vis de l’administration Obama, accusée d’avoir plongé le pays plus profondément dans les dettes et de vouloir augment les impôts et la régulation étatique. Le journaliste interroge une organisatrice de la manifestation qui donne des précisions sur l’heure de la rencontre qui se veut également un forum pour que les citoyens puissent y exprimer leurs griefs. Les horaires de la seconde marche sont également mentionnés. Michael E Ruane évoque également d’autres manifestations agendées à Annapolis, Frederick, Reston et Woodbridge. L’organisatrice évoquée plus haut, déclare que près de 700 réunions sont prévues le jour-même dans tout le pays. Elle n’hésite pas à relever le caractère historique de cette levée de boucliers nationale

Le 16 avril 2009, Lori Montgomery rappelle dans son article que, malgré les manifestations de la veille, le poids de l’impôt fédéral sur le revenu est à son plus bas niveau depuis près de 30 ans. Elle revient sur les rassemblements de citoyens qui ont eu lieu dans tout le pays, « de Floride à Hawaï ». Elle déclare que ces manifestations ont été organisées par Freedom Works, un groupe à but non-lucratif mené par un républicain texan. Ce dernier reconnaît dans une interview accordée la veille par téléphone, que le taux d’imposition actuel est à un bon niveau. Il déclare également que peu de personnes croient que Barack Obama va se contenter de cela. Il affirme que la cible réelle de la protestation n’est pas le taux actuel d’imposition mais son augmentation sera nécessaire pour faire face au sauvetage du secteur financier, à la relance de l’économie et aux projets ambitieux d’Obama pour la santé et l’éducation. La journaliste rappelle que la Maison Blanche communiquait le jour même son message sur une baisse des impôts, incluse dans la stratégie de relance de l’économie. Certains pourraient même ne pas payer d’impôts sur le revenu.

Le 16 avril, Michael E Ruane revient sur les événements de la veille. Tout ne s’est pas exactement passé comme prévu. Faute d’autorisation adéquate, la scène prévue devant le Trésor n’a pu être installée… Le camion devant livrer les centaines de sachets de thé, symboles de la protestation s’est perdu et, une fois son chemin retrouvé, la municipalité n’a pas accordé le droit aux « Tea partiers » de les déposer dans le parc comme prévu initialement. Il a plu et finalement la police a évacué le parc devant la Maison Blanche lorsque des manifestants avaient jeté une boîte de thé sur la façade de la célèbre bâtisse. Il n’hésite pas à qualifier la Tea Party made in 2009 de comédie. Cependant, il reconnaît que des centaines de manifestants étaient tout de même présent au Square Lafayette, nonobstant les problèmes d’organisation. Le journaliste donne la parole aux protestataires. Il rappelle les revendications du mouvement et constate qu’il s’est étendu à de nombreuses villes du pays. Il revient également sur la baisse du taux d’imposition annoncée par la Maison Blanche et qui devrait concerner près de 95% des travailleurs américains.

Le 16 avril, Dana Milbank, éditorialiste du Washington Post, publie un article qui revient sur le traitement de l’événement de la veille par Fox News, notammant. Il revient sur le fait que la chaîne a activement fait la promotion des manifestations de la veille. Il décrit également le comportement de certains de ses analystes qui semblaient très favorables au mouvement tout en rappelant le slogan de Fox News : « Fair and balanced ». L’analyste aurait déclaré : « vous savez ce que veut dire « fair and balanced » ? Cela veut dire que nous transmettons notre message et que nous compensons leur manque de message », alors que l’image à l’écran montrait un groupe de contre-manifestants. Des manifestants pro Tea Party arborait même des messages de remerciements à la chaîne d’information. L’éditorialiste relève que le rassemblement, au-delà des protestations contre les impôts, ressemblait à un festival anti-Obama. Il donne un certain nombre d’exemples de placards à son intention, de plus ou moins bon goût.

Le 17 avril 2009, Steven Pearlstein, revient dans un article publié dans les colonnes de la rubrique « Financial » sur les déclarations d’un leader du mouvement anti-taxe selon lesquelles le taux d’imposition serait « à un juste niveau ». Il raille Dick Armey en saluant le fait qu’un républicain ait osé reconnaître que les impôts avaient été suffisamment abaissés et que le taux optimal d’imposition n’était pas zéro. L’éditorialiste admet que ce dernier a raison sur un point supplémentaire : les projets du président Obama devront forcément être soutenus par une hausse des impôts si le budget doit être équilibré. Il critique la politique fiscale aussi bien des démocrates que des républicains. Reprochant aux premiers de faire payer aux citoyens les changements qu’ils veulent entreprendre dans le pays et aux seconds, de voir les réductions d’impôts comme un élixir magique, une réponse à tous les problèmes.

Le 19 avril 2009, Dan Balz publie un article dans lequel il affirme que le Tea Party représente une opportunité et un risque pour le parti républicain. Une opportunité car il donne une décharge d’énergie à un parti battu après deux élections peu enlevées. Un risque car il ne fournit au mieux qu’une réponse partielle à ce qui inquiète le parti républicain. La colère n’est pas une stratégie politique. Il revient sur les autres mouvements contestataires qui ont porté le parti républicain à la Maison Blanche : la Proposition 13, en 1978 et la coalition anti-gouvernementale dans le début des années 1990. Le journaliste pense que les manifestations du Tea Party offre une bouée de sauvetage au GOP. Il ne sait pas très bien si c’est une mise en évidence de quelque chose d’ancien ou le début d’une nouvelle ère. Le poids des arguments républicains comme la réduction des impôts ou un gouvernement réduit a perdu de son intensité avec les échecs des années Bush et la crise économique. Peuvent-ils revenir sur le devant de la scène ? Cela dépendra pour beaucoup du succès ou de l’échec de la politique économique de Barack Obama. Pour Dan Balz, traîner les pieds et dire non à Obama peut être suffisant pour l’instant. Mais l’opposition à la politique du président représente un message incomplet pour un parti qui cherche à regagner le pouvoir. Les républicains doivent toujours se confronter aux questions suivantes : comment être attractif au niveau national et comment dirigeront-ils le pays si l'occasion leur est donnée à nouveau ?

Le 19 avril, Dana Milbank revient dans un commentaire sur les réactions qu’ont suscitées sa critique de la manifestation du Tea Party devant la Maison Blanche. Il déclare que des conservateurs ont laissé des centaines de commentaires indignés à son propos, affirmant qu’il était à la botte d’Obama. Cet article ne lui a pas non plus attiré la sympathie de la gauche. Ses partisans semblent également déçus par la politique centriste de Barack Obama.

Dans un article du 19 avril, David Ignatus, éditorialiste, voit les rassemblements du Tea Party comme le signe d’un parti républicain peinant à se renouveler et ignorant le désir du peuple de voir au pouvoir un gouvernement actif qui résout les problèmes.

Fox News Channel: Publicitaire dévoué du mouvement Tea Party

La chaîne a largement promu l’organisation des manifestations du « Tax-Day » aussi bien dans ses programmes que par de la publicité. Elle a, à plusieurs reprises, encouragé les téléspectateurs à s’engager. Media matters for America a réuni dans un clip certains moments importants de la promotion du Tea Party par Fox News aussi bien avant le 15 avril que le jour même.

La veille des rassemblements, Fox News a consacré près de 10 min de son émission « News Live Desk » en direct à l’annonce des manifestations du « Tax day », donnant la parole à des organisateurs. Un animateur a également été invité. Il a osé faire remarquer que le gouvernement de Georges W. Bush avait considérablement limité les libertés personnelles des Américains, l’animatrice, Matha MacCallum, a réagi plutôt agressivement.

Le soir même, entre 20h et 21h, les manifestations sont le sujet principal du O’Reilly Factor, une émission politique animée par Brian O’Reilly. Dans son introduction, il rappelle que Barack Obama a été élu son « entitlement plans », donc qu’un certain nombre d’Américains demande une intervention plus importante de l’état. Il reconnaît également que certains payeront moins ou pas d’impôts sur le revenu. Il estime toutefois que les manifestations sont nécessaires, au même titre que le débat sur la taille du gouvernement. Il déclare que le système fédéral de taxation favorise les travailleurs mais pas au niveau de l’état. Il montre sous le titre « Taxation nation », les augmentations de taxe des différents états pour contrebalancer les dépenses. Il fait le lien entre ces dépenses et les coûts de la santé. Il déclare que les entreprises quittent les états qui augmentent les taxes. Il affirme que les Américains qui pensent que l’intervention de l’Etat doit être limitée à sa portion congrue ont des arguments que les médias « libéraux » refusent d’entendre. Il attaque le traitement des manifestations par le New York Times et la NBC. Il accuse deux journalistes d’être corrompus et de contrevenir au bien-être de la nation.

Huffington Post : Intense couverture et « journalisme citoyen »

En avril 2009, à l’aube des « Tax Day Tea Party Protests » , le Huffington Post commence à couvrir le mouvement Tea Party d’une manière subitement intense. Les 14 et 15 avril, le Huffington Post réserve une couverture intense au mouvement, sous divers angles. Accusé de faire l’impasse de ce « mouvement citoyen » par les médias conservateurs, le Huffington Post met en place une plateforme de journalisme citoyen, qui fait intervenir 1600 reporters. Dans le ton utilisé, il devient limpide que le Huffington Post cherche à se défendre des accusations de partialité, et invoque un registre de légitimation souvent utilisé par les médias nord-américains : le mythe du journaliste-témoin non engagé.

En tant qu’agrégateur d’information, le Huffington post renvoie également, lors de la couverture des protestations, à d’autres médias, parfois de mouvance politique opposée, à l’instar de Fox News. Les moyens et la grandeur du « HuffPo » permettent un traitement en profondeur des « Tax Day Tea Protests » , ainsi qu’une immédiateté. Une partie des chroniqueurs traite du Tea Party comme d’une mouvance extrémiste de droite, anti -Obama, . Le « HuffPo » octroie cependant également une place aux commentaires des mouvances politiques opposées, notamment par la mise en lien des vidéos Youtube des « Tea partiers ».

Le 15 avril, par ailleurs, l’une des chroniqueuses remet en question pour la première fois le narratif des défenseurs du Tea Party, qui présentent le mouvement comme un élément spontané venant de la base.

Les jours qui suivent le « Tax Day Tea Party Protests », le Huffington Post offre toujours une couverture intense du mouvement. Etant donnée la variété des sources et les liens proposés, il est impossible de donner une liste exhaustive des textes, images et sons du « HuffPo » et de leur contenu. Il est néanmoins possible d’en citer quelques-uns :

- Le blog continue à offrir une couverture émanant du « journalisme citoyen », qui adopte, par Flickr, Twitter, ou d’autres supports, plutôt une vision proche du mouvement. Tout en en se targuant d’une couverture « neutre », issue des citoyens, factuelle et non filtrée, le « HuffPo » propose par ce support « citoyen » une vision du Tea Party très proche des techniques de marketing politique du mouvement lui –même. Ce fait est hautement intéressant à observer pour un média de réputation libérale. Il souligne également toute l’ambiguïté des « nouveaux médias », qui jouent sur plusieurs registres, tant émotionnels que « factuels ». Il montre en outre comment un rapport de faits sans intermédiaires peut s’apparenter à de la promotion politique non clairement énoncée.


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Source, Huffington Post: http://www.huffingtonpost.com/2009/04/15/tea-party-photos-tax-day_n_186752.html

-Les chroniqueurs observent sous plusieurs angles le renforcement de ce mouvement politique, qu’ils identifient clairement comme tel. La plupart des chroniqueurs qui publient sur le site du Huffington Post ont une orientation « libérale » et remettent en question le caractère spontané des manifestations. Plusieurs affirment que Fox News nourrit le « Tea Party ». Il est également fait état des débordements du mouvement, est de son caractère extrémiste. Ce pan de chroniques fait également appel au matériel posté sur les sites communautaires et autres « nouveaux médias ». Contrairement à la plateforme de journalisme citoyen, les chroniqueurs traitent ce matériel traite comme une matière première à analyser, non comme une information « qui parle d’elle-même ».

-D’autres observateurs du Huffington Post, enfin, commentent la manière dont certains politiciens républicains surfent sur la vague du Tea Party dans le cadre de leur propre agenda politique.

Michelle Malkin

A l’aune des manifestations du 15 avril 2009, le soutien explicite de Michelle Malkin se fait de plus en plus assidu, et de plus en plus inventif. Le 13 mars, la chroniqueuse conservatrice met un post dans lequel elle compare le « Tea Party » à la lutte de Gandhi. Elle commence son texte par une citation du grand leader pacifiste : “First they ignore you, then they ridicule you, then they fight you, then you win.”. Michelle Malkin fulmine contre les allégations des opposants au Tea Party, qui qualifient, selon elle, le mouvement citoyen de « conspiration ». Elle défend en outre le mouvement des accusations selon lesquelles il ne pas faire intervenir de personnes de couleur. Par ailleurs, Michelle Malkin met en lien plusieurs sites conservateurs de sympathisants du mouvement, notamment celui du parti républicain du Tennessee. (Notons que le Tea Party se dit ni démocrate, ni républicain)

Le 14 avril, Michelle Malkin déclare qu’elle se rendra au Tea Party de Sacramento. Elle met de plus en lien une fabrique de thé qui se dit solidaire du mouvement. Elle met également en lien certains sites qui somment d’arrêter la propagande de gauche. D’autres sites qu’elle mentionne donnent une carte complète des manifestations. Les sites qu’elle met en lien citent également son blog. Il s’agit véritablement, à ce stade, de la mise en place d’un réseau solide de sympathisants du mouvement.

Dans un autre post du 14 avril, Michelle Malkin enjoint les manifestants d’être attentifs à ceux qui essaieront de perturber le mouvement.

Le jour J, la chroniqueuse poste un texte qui retrace la genèse du mouvement. Il s’agit du post auquel réagira le Huffington Post, en remettant en question le caractère spontané du mouvement.

Le même jour ; Michelle Malkin poste un lien sur le Twitter du movement

Après le « Tax Day Tea Party Protests », au cours duquel elle est intervenue, Malkin écrit sur son blog également un texte dans lequel elle critique certains républicains, en plus des posts dans lesquels elle félicite le rassemblement. Selon elle, ses opposants et les opposants du Tea Party omettent ce fait

Avant et pendant les manifestations du 15 avril 2009, Michelle Malkin promeut donc activement le Tea Party, et critique avec véhémence les « libéraux ». Elle essaie en outre de suggérer que les protestations se situent dans une mouvance « ni démocrate, ni républicaine ».

Facebook

Les archives de la page générale Facebook du « Tea Party Patriots » ne remontent pas plus loin que juin 2009.

Une page Facebook, Washington DC Tax Day Tea Party, existe en revanche. Elle propose une carte précise des différentes organisations, ainsi que des événements en cours. Elle précise que le mouvement est non partisan, et qu’il émane d’une réaction spontanée contre le sauvetage des banques et l’adoption du « Economic Stimulus Package ».

Récemment, ce groupe met un lien pour prévenir ses membres qu’une page « Crash the Tea Party » a été mise sur pied. Le ton est alarmiste et très défensif. Les « Tea Partiers » se défendent avec véhémence contre les accusations qui les poursuivent, à savoir qu’ils font partie d’un un mouvement extrémiste, violent, et raciste. C’est ce qui ressort également du blog du « Tax Day Tea Party ».

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